La pièce Jean et Béatrice, découverte pendant ma formation théâtrale, a été pour moi une rencontre marquante avec une autrice et son langage théâtral. J’ai été séduite par l’écriture de Carole Fréchette et la couleur de ses personnages. Après quelques explorations de scènes isolées, l’envie de monter la pièce dans son intégralité s’est rapidement imposée à moi. Principalement parce que c’est un très beau texte qui évoque avec subtilité des thèmes qui peuvent résonner en chacun de nous. On y rencontre notamment un questionnement poussé autour de l’amour : Qu’est-ce que c’est ? Quand peut-on dire qu’on aime quelqu’un ? Peut-on décider de tomber amoureux ou de ne jamais connaître ce sentiment ?
L’amour nous guérit-il de nos maux ? Qu’est-ce qui nous empêche d’aimer ? D’autres thèmes, comme la solitude, le refus de la réalité, la part de vrai et de faux qu’on montre de nous-mêmes aux autres, sont également abordés. Cette pièce a aussi l’originalité de se situer aux frontières entre le conte – coloré d’une quête chevaleresque rappelant les codes de l’amour courtois médiéval –, la farce – avec des personnages grotesques, détestables, clownesques –, et le speed dating parodique entre deux inconnus complètement perdus.
Notre parti pris a été d’accentuer le passage du comique au dramatique et au tragique – qu’on ressent déjà à la lecture du texte –, et de créer une mise en scène laissant possible l'ambiguïté entre rêve et réalité. Nous avons donc créé un espace qui se modifie et se délite au fur et à mesure que l’histoire avance et que les personnages s’ouvrent l’un à l’autre. Les objets et le décor reflètent également l’obsession du temps de Béatrice ou encore l’obsession qu'elle a de toujours en revenir à une figure paternelle. La destruction progressive du décor est l’écho de celle des mensonges et des façades que se forgent les protagonistes.
Nous accordons une importance particulière à l’environnement sonore, qui est en grande partie né de compositions personnelles et crée un univers onirique, à la frontière entre rêve et réalité.